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01/07/2020 - Le succès du scoutisme dans les cités

Contrairement à une idée répandue et dans le droit fil du dessein de Baden-Powell, les mouvements scouts continuent de tendre la main aux jeunes en déshérence. Avec un certain succès.

« J’avais perdu espoir en la vie jusqu’à ce que je rencontre les SUF. » Méryl, 25 ans, en avait 13 lorsqu’elle a supplié son père de l’inscrire chez les Scouts unitaires de France (SUF). « Nous étions à la messe, j’ai vu des filles avec un foulard autour du cou, ça m’a donné envie, et il a accepté », se souvient-elle. À l’époque, l’adolescente vit dans une cité de la banlieue rennaise entre son père alcoolique et une belle-mère violente. Elle est malheureuse et tourne en rond dans leur HLM. « À ma première sortie scoute, j’ai été frappée par la joie, la fraternité, la simplicité de cœur des autres filles. Je me suis dit : “Waouh, les mondes positifs, ça existe ! ” J’ai été très bien accueillie et grâce à l’uniforme, on ne voyait pas que je venais de la cité. Ça m’a permis de m’intégrer tout de suite dans le groupe. »

Les enfants que nous revendiquons comme plus spécialement nôtres, ce sont ceux dont les œuvres existantes ne veulent pas ou ne veulent plus.

Le scoutisme, une activité réservée aux milieux favorisés ? Ils y sont certes bien représentés, mais cela ne doit pas faire oublier qu’il a été originellement conçu pour tous. Les trois grands mouvements scouts français ont toujours veillé à respecter cette dimension missionnaire. « Vivre la mixité sociale a toujours été inscrit dans l’ADN de notre association », déclare Antony Moine, délégué général adjoint des Scouts et Guides de France. Parmi les initiatives les plus récentes dédiées aux jeunes des cités : les camps « Plein vent » lancés par les Scouts de France dès 1993, le projet « Grand large » initié il y a vingt-cinq ans par les Scouts d’Europe et les « Journées Brownsea » chez les SUF.

« Malheureusement, après le drame de Perros-Guirec en 1998, les mouvements scouts ont eu tendance à se recentrer sur leurs zones d’enracinement historique pendant plusieurs années », concède Yves Bourreau, chef de groupe Scouts d’Europe de la 25e Paris. Cet ancien scout issu d’un milieu populaire qui dit « tout devoir au scoutisme » veut tendre à son tour la main aux jeunes en difficulté.

« Le scoutisme permet un vrai brassage social »

Installé porte de Clignancourt, son groupe est très hétérogène ethniquement et socialement. « Le scoutisme permet un vr ai brassage social, il brise les frontières. Il est important de proposer la pédagogie scoute à ceux qui n’ont pas de cadre, c’est ma priorité. Le défi est de leur donner des figures d’exemple pour éviter qu’ils passent leur vie dans les rues avec le risque de faire des mauvaises rencontres et de les sortir du contexte des quartiers pour vivre autre chose, ailleurs, s’oxygéner l’esprit autant que les poumons », explique-t-il. Pour cela, Yves recrute des « chefs expérimentés pouvant apporter une qualité et un renouvellement constant dans les activités proposées », notamment lors du pèlerinage annuel des Routiers à Vézelay. « Je leur demande d’être prêts à retourner la table. Aux jeunes dont le scoutisme n’est pas un pilier familial, il faut proposer une véritable aventure, afin qu’ils reviennent avec des étoiles dans les yeux. »

Reste la question de leur recrutement. « Il y a trois ans, nous avons mis en place la campagne Brownsea qui propose notamment à des familles qui ne peuvent pas partir en vacances d’intégrer nos camps d’été, signale Antony Moine, et pendant l’année, des chefs se déplacent dans les quartiers populaires pour proposer des après-midi d’activités scoutes. Si nous constatons qu’il y a une demande, nous pouvons créer un groupe scout, comme cela s’est fait récemment à Lyon, par exemple. » Yves Bourreau, lui, saisit toutes les opportunités : « Quand je croise des jeunes qui glandent dans la rue, je leur propose de venir jouer avec nous. Ça ne marche pas à tous les coups, mais parfois ça marche ! » Une fois intégrées dans une troupe, ces nouvelles recrues ne sont pas toujours faciles à gérer et demandent une attention particulière. « Ils sont parrainés par les plus grands. Mais il ne faut pas idéaliser, prévient Valentin, certains ne jouent pas le jeu, ou négocient pour ne pas assister à la messe. D’autres sont ravis de voir qu’on leur donne des responsabilités et s’intègrent bien, comme ce jeune venu camper l’année dernière : c’était ses premières vacances, il était tellement enthousiaste qu’il a entraîné tous les autres ! »

 « Les valeurs scoutes sont éternelles »

Même constat pour Éric, 24 ans, ancien chef Éclaireurs neutres de France de la 17 e Paris qui a dû redoubler d’efforts et de patience avec un jeune des cités inscrit d’office par ses parents : « Il refusait tou tes les activités, ce qui pénalisait en plus sa patrouille. Puis les choses ont évolué. Au milieu du camp, il est venu me voir et m’a dit : “C’est impressionnant ce que tu fais avec nous ici : tu fais de nous des hommes.” Quelques jours après, il m’a confié so n émotion de voir les scouts recueillis dire leur prière : “On voit que vous y croyez ! ” Mieux que d’autres, il avait compris que le scoutisme catholique servait à faire des hommes et à faire des saints ! Quand on lui a remis son foulard à la fin du camp, sa silhouette s’est redressée, il était fier, ce n’était plus le même. »

Plus de cent ans après sa naissance, la pédagogie scoute continue de faire recette. « Le but du s coutisme est de produire des hommes et des femmes libres, chrétiens, responsables et engagés, résume Pierre du Couëdic, commissaire général des SUF. Les jeunes ont changé, mais les valeurs scoutes sont éternelles et continuent d’être idéales pou r leur donner une colonne vertébrale. Nous avons aussi un rôle d’évangélisation. Nous devons accueillir aussi les non-baptisés afin qu’ils puissent entrer dans une démarche de catéchuménat. » Méryl qui est aujourd’hui cheftaine de Guides aînées à Bordeaux ne dira pas le contraire. « Le scoutisme a changé ma vie. “La guide est maîtresse de soi, elle sourit et chante dans les difficultés” est le principal enseignement que j’en ai tiré, j’en ai fait ma règle de vie. Et surtout, j’y ai vécu une deuxième conversion, la fleur de ma foi qui commençait à se faner a pu refleurir à nouveau. »

N'oublions pas les campagnes

Leur proximité avec les villes a favorisé l’implantation du scoutisme dans les banlieues. Désertées, les campagnes en revanche sont le parent pauvre de ces initiatives missionnaires. « C’est un véritable enjeu », souligne Pierre du Couëdic, commissaire général des SUF. « Nous menons actuellement une réflexion pour que les jeunes du monde rural aient cette chance de découvrir le scoutisme. Nous allons devoir nous inventer et agir main dans la main avec les autres mouvements scouts pour agir de concert et ne pas diviser nos forces. »